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News of the World: ni larmes ni couronnes!

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Lorsqu’un journal disparaît, la tradition veut que l’on verse une larme sur sa tombe. La fin du News of the World a provoqué au contraire un sentiment de satisfaction comme si le journalisme se débarrassait enfin d’un fardeau encombrant.

Ni fleurs ni couronnes ! En franchissant toutes les lignes blanches continues, en brûlant systématiquement tous les feux rouges, les journalistes et les détectives privés de ce « quotidien du dimanche » avaient transformé leur rédaction en une agence de barbouzes.

Cependant, la responsabilité ne peut se limiter à celle des journalistes de base, coupables quand même d’avoir choisi de travailler pour une publication dont ils connaissaient la réputation sulfureuse. Comme l’écrit Carl Bernstein, dans Newsweek, tout le monde sait que « la culture d’une institution journalistique est décidée de haut en bas par son propriétaire, son éditeur ou sa direction ». « Les reporters et les rédacteurs, écrit le célèbre journaliste de l’affaire du Watergate, ne violent pas la loi, ne corrompent pas des policiers, ne posent pas des écoutes téléphoniques et ne se comportent pas généralement comme des voyous sauf s’il s’agit d’une politique reconnue et comprise de tous. Des détectives privés et des hackers ne deviennent pas les sources primaires d’un journal sans la connaissance et l’approbation tacites de leur haute hiérarchie ».

L’affaire du News of the World dépasse dès lors la question judiciaire des écoutes illégales. Elle doit aussi faire réfléchir à la responsabilité de certains médias dans ce que Carl Bernstein appelle « la corruption du journalisme et de la politique propagée par la culture de presse qui est la marque de fabrique de Rupert Murdoch des deux côtés de l’Atlantique ».

Le baron de presse australo-américain possède en effet le quotidien londonien The Sun, qui n’est guère plus respectable que News of the World, le New York Post, dont on a pu apprécier les excès à propos de l’affaire DSK, et surtout la chaîne de télévision Fox News, qui dégrade depuis des années le discours politique américain. Son rachat récent du Wall Street Journal, qui a des obligations de respectabilité, ou sa propriété du Times, qui a un nom à préserver, ne le disculpent pas des pratiques rédactionnelles désastreuses de ses médias “populaires”.

Par leurs excès, par leurs façons de courtiser le voyeurisme et la chauvinisme du public, les journaux tabloides de Murdoch étaient depuis longtemps un danger pour la qualité du journalisme. Samedi, dans le New York Times (ennemi juré du clan Murdoch), A.C. Grayling dénonçait une presse “passée du caniveau à l’égout” (From the Gutter, into the Sewer).

Mais les méthodes utilisées par le News of the World étaient aussi et depuis longtemps aussi une bombe à retardement pour la liberté de la presse. Depuis des années, en effet, des hommes et femmes politiques britanniques plaidaient pour l’adoption de normes beaucoup plus draconiennes à l’encontre des médias. Parfois de bonne foi, afin que soient respectés des principes essentiels de vie privée et de dignité humaine, parfois aussi de très mauvaise foi, afin de protéger leurs erreurs et leurs manigances de la curiosité des journalistes d’investigation tout à fait légitimes.

Le risque est grand en effet que le monde politique, qui a longtemps cautionné Murdoch, profite de ce scandale pour imposer une réglementation excessive qui, sous prétexte de protéger la vie privée ou la moralité publique, réduise la liberté de la presse et entrave sa mission d’intérêt public, dont celle, essentielle, de « dire la vérité au pouvoir ».

Les journalistes mais aussi la société britanniques seraient bien avisés de ne pas tomber dans ce piège. Une démocratie a besoin d’une presse qui a le droit et la capacité d’informer sur les questions essentielles d’intérêt public. Et la référence à la déontologie, aujourd’hui sur toutes les lèvres, doit servir à renforcer ce droit et cette capacité et non servir d’alibi pour les réduire.


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