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Le scandale du News of the World et le triomphe de l’hypocrisie

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La Grande-Bretagne est enfoncée jusqu’au cou dans le scandale du piratage des boîtes vocales pratiquée par des reporters et des détectives privés à la solde du journal dominical News of the World. L’affaire est déjà ancienne mais elle a pris ces derniers jours une tournure particulièrement écoeurante. Non seulement, ces « journalistes » ont pillé les « voicemail » de personnages célèbres, mais ils auraient aussi écouté les messages téléphoniques laissés par des personnes touchées par des drames privés, que ce soient des disparitions d’enfants, les attentats terroristes du 7 juillet 2005 ou des décès de soldats en Afghanistan.

The Guardian, le grand quotidien libéral de centre-gauche, avait été l’un des seuls à enquêter sur cette affaire qui mettait surtout en cause News International, le groupe de presse dirigé par le magnat Rupert Murdoch (également propriétaire du New York Post, le quotidien le plus agité dans l’affaire DSK). Et il s’était fait rabrouer par le Conseil de déontologie britannique, la Press Complaints Commission (PCC).

En 2010, nous avions réalisé un rapport sur cette affaire pour la Fédération internationale des Journalistes et il apparaissait évident que des institutions officielles britanniques, dont la police, et la PCC avaient failli dans leur mission de contrôle et d’enquête. Il ressortait aussi très clairement que The Guardian et, en particulier son enquêteur de choc, Nick Davies, avaient fait un excellent travail.

Pour les responsables de News International, confrontés à des critiques de plus en plus courroucées, les cas de piratages étaient « des cas isolés », le fait de « quelques pommes pourries ». Pour leurs adversaires, il s’agissait au contraire d’une politique systématique de violation de la vie privée,  pour « faire du chiffre », dans le cadre de politiques rédactionnelles brutales et dénuées de tout principe.

Il y a une différence essentielle entre la presse dite populaire et la presse à sensations. Des journaux, comme Le Parisien en France ou Newsday à New York, ont démontré que l’on pouvait à la fois être « grand public » et respectables. Mais les journaux comme The New York Post et News of the World appartiennent à un autre monde, celui où les éditeurs, les « rapporteurs » mais aussi les lecteurs participent ensemble à la transgression de principes élémentaires de dignité humaine et de respect de la vie privée et à la prolifération des rumeurs et des stéréotypes.

Le premier ministre David Cameron se dit aujourd’hui choqué par les révélations sur les méthodes de gangster du News of the World et appuie une enquête publique, mais il avait cautionné d’une certaine manière cette culture de hors-la-loi des tabloïds britanniques : l’an dernier, à son entrée au 10 Downing Street, il avait choisi en effet comme secrétaire de presse Andy Coulson, l’ancien rédacteur en chef du News of the World, consacrant par ce geste un journalisme de caniveau qui dégrade le débat public.

Il y a quelques mois, Andy Coulson a dû démissionner du 10 Downing Street comme il avait déjà dû démissionner du News of the World à la suite de la première vague de révélations sur le phone hacking (piratage). De hauts responsables de News International pourraient être contraints eux aussi à s’éclipser. Des voix s’élèvent également pour réformer la PCC, le garant de la déontologie de la presse britannique et pour interdire à Rupert Murdoch de prendre le contrôle de la chaîne de télévision BSky.

Le post mortem de cette sale affaire ne sera complet toutefois que s’il impose à tous et surtout aux autorités, au gouvernement et au Parlement, une réflexion sur leur démission, voire leur complicité, face à un phénomène – les méthodes illégales de journalistes de la presse tabloïde – qui était connu de tous.

Connu de tous ? Oui, il suffisait de lire le best seller de Nick Davies, Flat Earth News, pour en apprendre tous les sordides détails. Mais il est vrai que les politiciens britanniques, Tony Blair hier, David Cameron aujourd’hui, courtisent servilement les faveurs du baron de la presse « populaire », Rupert Murdoch, et qu’ils n’ont pas osé se mettre à dos un homme qui utilise politiquement ses journaux pour faire avancer ses intérêts politiques et financiers.


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